L’édito d’avril 2017

                                                       UNE   HISTOIRE   DE   SCRUTINS…

    Depuis quelques semaines, vous avez peut-être entendu parler de scrutins… pas ceux qui envahissent voire saturent nos téléviseurs, nos smartphones ou nos journaux. Les scrutins dont je veux parler ne seront pas sanctionnés par un vote et il n’y a pas de campagnes médiatiques, ni de matraquages par des sondages qui, comme le disaient certains humoristes, ne sont pas fait pour vous dire ce que les gens pensent… mais ce qu’ils doivent penser… Comme pour le Brexit ou les élections dans divers pays, cela a peut-être fait rêver, cela a souvent déçu, et l’on constate amèrement que cela cache l’essentiel.

Non, les scrutins dont je parle sont ceux, plus discrets, qui concernent les catéchumènes durant le carême : « Pendant cette période de l’ultime préparation aux sacrements de Pâques, l’Église offre aux catéchumènes trois rites pénitentiels que l’on appelle « scrutins », les 3ème, 4ème et 5ème dimanches de carême. Le mot évoque le discernement entre la lumière et les ténèbres. Les «appelés» sont invités à la conversion, à se tourner vers le Seigneur pour se voir à sa lumière » (Selon un article d’Odette Sarda et de Dominique Sentucq). Tous les baptisés sont appelés à entrer dans cette même démarche de combat spirituel qu’est le carême pour se préparer : le rituel parle même d’entrainement, par la prière, l’écoute de la parole de Dieu, la conversion… sans oublier la pratique de l’effort personnel et de la charité envers les autres. Il est demandé aux futurs baptisés, durant ces 40 jours, « d’avoir le désir de parvenir à une connaissance intime du Christ. » (Rituel, n°149). Ces scrutins sont ainsi pour les catéchumènes un moment fort où, devant d’autres baptisés, ils affirment et réaffirment « les choix qu’ils ont fait et qu’ils auront toujours à faire, d’affermir leur désir continuel de conversion ». Si les catéchumènes doivent avoir ce désir de connaître intimement le Christ, combien plus chaque baptisé doit-il lui aussi manifester ce désir !Notre carême ne doit donc pas être jugé à l’aune des efforts que nous avons faits, parfois plus pour nous plaire à nous-mêmes qu’au Seigneur, mais bien à l’aune de ce désir de connaître le Christ qui est venu accomplir la Volonté du Père et sauver tous les hommes.

        Mais de quelle conversion parlons-nous vraiment ?

La liturgie du Carême nous dit qu’au-delà de nos tentations, nous sommes appelés à laisser Dieu nous transfigurer, à le laisser nous éclairer par sa Parole, par les dons de son Esprit.        En premier lieu, avons-nous vraiment soif de Dieu ? Laissons-nous le Christ approcher de nos lieux de vie comme il le fait avec la Samaritaine ? La première étape de cette continuelle conversion est d’apprendre à être en vérité devant le Christ. Il veut nous donner à boire de cette eau vive qui jaillit de son côté ouvert et il « scrute » notre réaction lorsqu’il nous dit « donne-moi à boire » : est-ce une eau de vérité ou une eau trompeuse et déguisée que nous allons lui donner ?        Puis vient l’étape du regard. Le chemin de conversion se traduit par un changement de regard, ou plutôt d’un passage de la cécité à la lumière. Combien de fois, lors de confessions, je suis estomaqué d’entendre « mon Père, je n’ai pas de péché ». Sans entrer dans la litanie des péchés, l’Eglise nous appelle à un peu d’humilité et surtout à comprendre ce qu’est le péché : si nous n’avons pas de péché, Jésus n’a pas besoin de nous sauver de la mort, il n’a plus besoin de donner sa vie pour le pardon des péchés… « Si nous disons que nous sommes sans péché, nous faisons de lui un menteur, et sa parole n’est pas en nous » (1 Jn 1,10). Serions-nous devenus à ce point aveugles que nous ne sommes même plus capables de voir où nous en sommes et si Dieu est vraiment dans notre vie ? La conversion qui nous est ici offerte est celle de pouvoir nous regarder en vérité mais plus que cela, de pouvoir regarder le Christ en vérité : « Crois-tu au Fils de l’homme ? » Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? ». Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. »  .

Il dit : « Je crois, Seigneur ! » Et il se prosterna devant lui » (Jn 9,35-38).

Enfin vient l’étape de notre rapport à notre corps, à la réalité. Quoi de plus concret, de plus réel, de plus douloureux aussi que notre corps ? Si nous avons la tentation de nous en échapper, la maladie, la souffrance, la mort nous ramènent cruellement à la réalité. Il ne s’agit pas ici de regarder avec fatalisme notre vie, mais de prolonger ce regard en vérité dans la foi : « Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra » (Jn 11,25) nous dit Jésus. Croyons-nous vraiment en cette parole ?

Humblement, les conversions dont je viens de parler doivent nous aider à voir et comprendre que, comme les catéchumènes, notre chemin de foi et d’espérance avec le Christ Jésus est un chemin de conversion permanente.         Il est bon de vivre tous les ans le carême et de nous remettre en vérité devant le mystère de la foi. Fêter Pâques, c’est proclamer ce mystère qui nous dépasse, c’est scruter dans notre vie l’œuvre de ce Dieu trois fois Saint, c’est vivre dans la réalité de notre existence, avec notre corps, notre âme, notre esprit, l’amour de Dieu plus fort que le péché et la mort.

Alors, oui ! Ayons soif de Jésus, ayons soif de Le laisser approcher de notre vie, de nous donner cette eau vive ; laissons-Le nous guérir de nos aveuglements, cherchons sa lumière ; écoutons-Le nous dire l’œuvre de vie et de salut qu’il accomplit sur la croix et qui trouve tout son sens et sa puissance lors du matin de Pâques. Et redisons sans cesse : « Il est grand le mystère de la foi ! Nous proclamons ta mort, Seigneur, Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la Gloire » !

Abbé Franklin Parmentier, Curé de la Paroisse Saint-Vincent de Lérins

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