Comment pouvons-nous être purs ?
Le concept de pureté est extrêmement complexe à manier, car nous le réduisons à une partie infime de sa signification : la pureté physique à quoi s’ajoute un mépris consenti ou ignoré de la sexualité. Si je dis, à titre de comparaison, que nous vivons des temps impurs, je ne fais nullement allusion au dévergondage de nos contemporains, aux mœurs débridées, etc., mais à ce refus, ou pis, à cette ignorance de la Beauté sous toutes ses formes à laquelle participe bien sûr une sexualité maîtrisée, respectueuse de soi et d’autrui. La pureté est contemplation de la Beauté en soi. Pour cela, certaines conditions sont requises, en particulier : obéir aux injonctions d’une raison souveraine.
Il faut ajouter à cela, pour justifier la position exigeante et non point rigoriste de l’Eglise que nous critiquons sévèrement, qu’une philosophie qui dissocie corps et âme, esprit et matière pour réduire l’être humain à une machine à deux vitesses, cette philosophie, dis-je, est non seulement pernicieuse mais mortifère.
Car nous aimons avec tout notre être, corps et âme, sans que jamais nous devions mépriser une sexualité que Dieu crée et met au service de l’amour mais d’un amour placé « sub specie aeternitatis », que nous devons donc contempler du point de vue de l’éternité.
J’ajoute pour que ne subsiste nulle ambiguïté que l’Eglise, au cours des siècles, a toujours condamné les mouvements manichéens (cf. le catharisme) qui professaient un mépris certain de la matière. Les erreurs, les incompréhensions, le péché même de certains membres de l’Eglise ne peuvent ni ne doivent être imputés au corps ecclésial en son entier, encore moins au Magistère du Pape et des évêques en communion avec celui-ci.
La pureté dépasse, tout en l’incluant, une définition étroite de la sexualité, à savoir que le chrétien ne peut se présenter devant son Seigneur sans le désir incoercible de rechercher la transparence de toute sa personne. Dans la Bible, – Ancien et Nouveau Testament réunis -, Dieu seul est pur parce que Dieu seul est saint. Platon, qui n’est pas chrétien, écrit dans le Phédon (66 d) : « Il faut être pur pour atteindre le Pur. » Comment peut-on alors parvenir à la sainteté quand on est impur ? Par la purification, et bien
évidemment et inséparablement par la grâce divine !
Les Pères grecs, Saint Grégoire de Nazianze notamment, nous enseignent que seul le Seigneur Jésus est vraie purification « parce qu’il nous purifie, afin qu’étant purs, nous puissions recevoir Celui qui est la pureté » et Grégoire de Nazianze ajoute : « Élève-toi par ta conduite […] acquiers la pureté par la purification. »
Les diverses purifications de la personne que nous nous imposons en toute liberté ont pour but de nous conduire à la vision et à la possession de Dieu-Amour.
Pureté -> sainteté -> intimité sans égale avec le Dieu de Jésus Christ : tel est le but vers lequel tend le chrétien à travers une ascèse constante de tout son être. La sainteté, en effet, a une valeur ascétique incomparable : elle nous appelle constamment à nous dépasser pour que nous parvenions à ce tête à tête avec Dieu. Des conditions sont rigoureuses en leur accomplissement : la première de toutes est ce vide du cœur, que traduit le plus adéquatement le concept de pureté, pour que nous soyons totalement donnés à Jésus Christ. Vide en soi qui produit la transparence, pureté, disponibilité : « Il faut que tu fasses le vide en toi, que tu sois libre, portes ouvertes.
Ainsi tu seras, nous serons disponibles et disposés pour accueillir le don divin, la grâce divine, la charité théologale ! » Termes synonymes qui seuls peuvent nous emplir de la sainteté de Dieu. En définitive, il faut donc avant tout lever les obstacles qui empêchent cette montée vers Dieu. Car la Foi chrétienne est une biologie de l’amour – agapè ! Le regard nous permet de contempler l’autre en sa différence, la pureté nous conduit à la transparence de toute la personne et l’éternité, à la contemplation et à la possession du Dieu Trinité.
Ce sont en effet les piliers sur lesquels repose le mystère chrétien. Il faut donc que nous désencombrions notre cœur afin que le Seigneur puisse occuper la place qui lui revient dans nos vies : on se vide de soi pour que Dieu nous emplisse de sa présence. Nous retrouvons ici, d’une certaine manière, le thème constant chez les Pères de l’Eglise grecque, savoir : la divinisation. Dieu se fait homme pour que l’homme devienne Dieu et participe ainsi à l’intimité du Dieu trois fois saint…
Chanoine Christian Neumann