« Que le Dieu de l’espérance vous remplisse de toute joie »
Nous sommes dans la dynamique de la Pentecôte, du don de l’Esprit Saint, dont un des fruits est la joie. Et je voudrais réfléchir sur trois aspects de la joie : le premier est que Dieu a pitié de son peuple, le deuxième est que le projet de Dieu consiste à nous montrer son dessein ultime, et le troisième nous montre en quoi la joie est lumière. Dieu a pitié de son peuple car, dans toute l’Ecriture, son peuple s’est éloigné de lui : « mon Nom est sur leurs lèvres mais leur cœur est loin de moi»… Cela dit, parce que Dieu se révèle comme Celui qui est « avec » son peuple, Dieu n’abandonne jamais devant la dureté de cœur des hommes. « Je changerai leur cœur de pierre en cœur de chair ».
Ainsi Dieu choisit de nous conduire au désert. Dans le Deuxième livre des Chroniques, ce chemin se réalise par la déportation : Dieu conduit l’homme à un dépouillement forcé. Il ne suffit pas de dire « Seigneur, Seigneur » pour être sauvé ; il nous faut prendre conscience de la réalité de la Présence de Dieu. Ce n’est pas parce que nous sommes dans un lieu dédié à Dieu que nous faisons l’expérience de Dieu. Le Temple (nos bâtiments), les remparts (nos sécurités humaines et spirituelles), les objets précieux (nos dévotions ou notre générosité) sont inutiles si notre cœur est loin de Dieu. La première des joies est donc de comprendre que, parce que Dieu a pitié de nous, il ne nous demande pas de grandes richesses humaines ou spirituelles, mais il nous demande un cœur qui écoute, un cœur pauvre pour l’accueillir. Dieu nous invite à faire en sorte que notre foi produise des fruits, mais notre salut ne vient pas des fruits que nous portons, il vient de la grâce que nous recevons ; il ne vient pas comme un résultat de notre relation à Dieu, mais de Dieu, de l’Amour même de Dieu, de sa Miséricorde.
Le deuxième motif de joie se trouve dans le fait que Dieu, pour manifester son dessein ultime, se sert de chemins parfois à l’opposé de ce que nous attendons pour manifester son œuvre de Salut. C’est tout le sens du Sabbath : l’homme est fait pour le sabbat (pour louer Dieu), et Dieu va parfois dépouiller l’homme pour que l’homme prenne le temps de vivre le sabbat, ce jour consacré à Dieu. Pour vivre la joie d’être avec Dieu, il nous faut accepter que cela ne vienne pas uniquement de nous, mais que, au travers de l’autre, du différent, voire même de l’opposé, Dieu nous permette de retrouver le sens de sa présence et de sa proximité. C’est en quelque sorte l’expérience, parfois amère, que nous faisons de la liberté et de la richesse de la grâce de Dieu, de l’Esprit de Dieu, qui agit hors de nos limites et de nos compréhensions. Cette joie, nous la retrouverons sublimée à Pâque, car Dieu va se servir de ce qu’il y a de plus opposé à l’homme pour le sauver ; Dieu va se servir de la mort pour affranchir l’homme et le faire entrer dans un éternel Sabbat.
Le troisième trait concernant la joie se trouve dans l’évangile selon Saint Jean. En effet, Dieu dépouille, y compris de force, son peuple pour qu’il reprenne conscience de la nécessité d’une certaine pauvreté permettant l’écoute et la présence. Dieu conduit l’homme au Salut en montrant que ce Salut ne dépend pas de l’homme. Dieu ne juge pas son peuple, mais le sauve. Mais pour que l’homme comprenne, ou plutôt croit au Salut, Dieu va opérer ce salut en apportant à l’homme la vérité. La vérité ne vient pas de la justesse de nos actes ou de nos pensées, la vérité, c’est la pleine révélation de ce que nous sommes. La vérité, c’est cette lumière que Dieu nous donne, l’Esprit Saint, pour éclairer notre chemin, pour l’accueillir en vérité, pour l’aimer en vérité et nous aimer les uns les autres. Notre joie n’est pas seulement de recevoir la lumière de l’Esprit, mais de comprendre ce qu’est la lumière de l’Esprit de Dieu. Au commencement de son évangile, Saint Jean dit : « en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes… le Verbe était la vraie lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde » (Jn 1,4.9). La joie d’accueillir l’Esprit Saint comme la lumière de ma vie et de ma vie éternelle.
Notre joie pourrait ainsi se résumer : accueillir Dieu comme la lumière qui illumine ma vie, acceptant la pauvreté de ma vie ; regarder dans cette lumière le chemin de Salut, même si mes ténèbres s’y opposent, même si ma mort s’y oppose ; brûler de l’Esprit Saint, de la Lumière même de Dieu pour être soi-même lumière.
Abbé Franklin Parmentier, Curé de la Paroisse Saint-Vincent de Lérins